Méthanisation à la ferme et impact sur bilan C et N de la fertilisation des cultures

Méthanisation à la ferme et impact sur bilan C et N de la fertilisation des cultures

Antoine Savoie (1), Victor Moinard (2), Catherine Pasquier (3), Florent Levavasseur (2), Sabine Houot (2)

Impacts de l’introduction de la méthanisation à la ferme sur les bilans Carbone et Azote de la fertilisation des cultures :

Résultats de 3 ans de mesures à Nouzilly en région Centre Val de Loire

(1) INRAE UEPAO, 37380 Nouzilly ; (2) INRAE ECOSYS, 78850 Grignon ; ( 3 ) INRAE Sol, 45000 Orléans

La méthanisation  est un processus biologique de dégradation de la matière organique permettant le traitement de déchets organiques tels que les effluents d’élevage (fumiers, lisiers), les boues de stations d’épuration, les déchets verts et les déchets agroindustriels. Cette dégradation conduit à la production de biogaz (méthane) valorisé comme énergie renouvelable : le gaz est soit utilisé directement, soit brulé pour produire de l’électricité. La méthanisation produit aussi un résidu (boue), appelé digestat. Ce produit, valorisable en agriculture, est riche car il est constitué de la plupart des nutriments provenant des déchets entrant dans le méthaniseur. Il possède notamment beaucoup d’azote (N), qui est le principal élément dont ont besoin les plantes et qui est le principal engrais de synthèse appliqué dans les champs. Le digestat apporte aussi de la matière organique au sol, ce qui garantit la fertilité et favorise la vie du sol. Cette technologie permet donc de participer à l'autonomie énergétique des territoires (électricité et fertilisants produits localement).

En introduisant la méthanisation dans les exploitations polyculture-élevage, on remplace les effluents d’élevage comme le fumier et le lisier, et une partie des fertilisants de synthèse par les digestats. Le projet MétaMétha a donc pour but de savoir comment utiliser les digestats par rapport aux autres produits, de préciser quel est le pouvoir fertilisant du digestat pour les cultures. La capacité à maintenir ou augmenter la teneur des sols en humus stable est aussi étudiée, tout comme leurs impacts sur l’environnement (nitrates, ammoniac, gaz à effet de serre), toujours en comparaison des autres engrais.

Le projet MétaMétha a pour objectif d’évaluer les conséquences de l’introduction de la méthanisation dans une exploitation agricole en polyculture-élevage (type bovin lait). Il consiste à épandre sur des parcelles agricoles de 1800 m², cultivées en colza ou en blé, différents produits résiduaires organiques (effluents d’élevage ; digestats ; fertilisants de synthèse) pour comparer les effets de chacun. Les lisiers et fumiers proviennent de l’exploitation agricole INRAE (Nouzilly, 37) et les digestats solides, liquides ou bruts sont issus d’un méthaniseur de ferme présent sur le site. Les intrants du méthaniseur sont constitués à part égales d’effluents d’élevage, de boues de station d’épuration et de co-produits d’IAA. La parcelle témoin reçoit de la solution azoté de type 390. De 2017 à 2019, les principaux flux d’azote et de carbone sont mesurés sur les parcelles (fertilisation, amendements, exports de produits agricoles, volatilisation d’ammoniac, émission de protoxyde d’azote, lixiviation de nitrates).

Résultats agronomiques et économiques
La fertilisation des cultures uniquement par les digestats a permis des rendements similaires à ceux obtenus par une fertilisation minérale en blé et colza. Cependant, la filière blé panifiable demande des taux de protéines dans le grain qui n’ont pu être atteints en fertilisant seulement avec les digestats. Pour atteindre un taux de protéine suffisant il est préconisé de réaliser un apport tardif (sur culture plus haute) en azote minéral.

En utilisant les digestats (déchets présents sur l’exploitation), l’agriculteur réalise des économies en achetant moins de fertilisants. Les surcoûts liés à l’épandage contraignant des digestats sont compensés lorsque le méthaniseur est proche de l’exploitation (comme dans notre étude), dans le cas contraire l’utilisation de produits organiques est défavorable car les contraintes logistiques et le temps de travail augmentent fortement.

Bilan azoté
Les résultats obtenus, complétés par des résultats simulés par modélisation (modèle STICS), ont permis d’aboutir au bilan azoté pour chaque parcelle afin d’évaluer la quantité d’azote apportée par les produits que l’on retrouve dans le sol et dans l’eau sous forme de nitrates, dans l’air sous forme de gaz ou encore dans la plante cultivée. Les digestats sont plus sensibles à la volatilisation que les effluents bruts. La séparation de phase du digestat diminue la volatilisation car le digestat liquide s’infiltre mieux dans le sol. La majorité des pertes azotées par lixiviation ont eu lieu à l’hiver 2019 suite à un apport de PRO solides et de digestat brut en fin d’été, avant le semis du blé (pratique à éviter).
En suivant les bonnes pratiques (fractionnement des apports de digestats à doses raisonnées, utilisation d’un matériel adapté, interventions aux bonnes dates), on peut limiter les risques environnementaux (gaz à effet de serre, tassement du sol, nitrates) inhérents à l’utilisation des produits organiques. Les conséquences sur la biodiversité (vers de terre) encore à l’étude semblent limitées car l’apport de matière organique a un effet favorable sur l’abondance des populations (en comparaison du témoin en fertilisation minérale de synthèse).

Analyse de Cycle de Vie
Une analyse de cycle de vie (ACV) est réalisée à l’échelle de la parcelle. L’unité fonctionnelle choisie est le fait d’apporter à la parcelle 170kg/ha d’azote total. Les scénarios impliquant des digestat se positionnent de façon intermédiaire vis-à-vis des autres scénarios. Les résultats de l’ACV permettent d’avoir des tendances, des ordres de grandeurs. Les émissions de CO2 au stockage (intrants du méthaniseur et digestats) sont les plus importantes. Pour l’indicateur acidification atmosphérique, les émissions au champ sont quant à elles 3 fois supérieures à celles du stockage.

Contacts : antoine.savoie@inrae.fr et florent.levavasseur@inrae.fr
 
Téléchargez la présentation

Date de modification : 07 mars 2024 | Date de création : 06 mars 2024 | Rédaction : CM