Epandage sur EFELE
Recyclage agricole

Le recyclage agricole, une pratique ancienne et contemporaine

L'épandage de matières organiques, pratique ancienne et contemporaine soulevant des questions.

Epandre en agriculture, en connaissant et en maîtrisant les effets au champ

L’épandage des fumiers et autres effluents d’élevage est une pratique courante permettant de recycler les éléments nutritifs et la matière organique avec un double intérêt : (i) agronomique pour le maintien de la fertilité des sols, et, (ii) environnemental, pour le stockage potentiel de carbone organique pouvant contribuer à l’atténuation du changement climatique (plan 4 pour 1000 ; http://4p1000.org/comprendre).

Aujourd’hui, les sources de produits résiduaires organiques (PRO) valorisés en agriculture se diversifient, avec des origines urbaines, industrielles/agroindustrielles et agricoles. Ces épandages assurent le recyclage des principaux éléments contenus dans les PRO (ex. C, N, P, K), (i) en se substituant à des ressources non renouvelables (exemple du P) ou dont la synthèse est fortement consommatrice d’énergie fossile (engrais azoté) et (ii) en contribuant au développement d’une économie circulaire au sein des territoires. En outre, le développement du traitement de ces ressources organiques, par méthanisation à la ferme, augmente l’autonomie des agriculteurs par rapport à leurs besoins énergétiques (plan EMAA, Energie Méthanisation Autonomie Azote).

Cependant, ces matières d’origines résiduaires peuvent être vectrices de contaminants biologiques ou chimiques et il est important de garantir l’innocuité de leur usage en agriculture. D’autre part, une utilisation non maîtrisée des PRO peut conduire à des pertes d’éléments fertilisants qui contaminent par exemple les eaux (nitrates, phosphates). Leur utilisation dans les cycles culturaux doit ainsi être optimisée.

La valorisation des PRO en agriculture devrait contribuer au développement de l’agroécologie sous réserve de durabilité des systèmes de production incluant ces pratiques de recyclage.

Toutefois, ce recyclage agricole requiert d’appréhender à court, moyen et long termes les valeurs agronomiques des PRO épandus dans une diversité de situations agro-pédo-climatiques, et, d’estimer l’ensemble des impacts potentiels et des risques éventuels associés (surfertilisation NP, pertes par ruissellement, lixiviation ou émissions gazeuses, apport éventuel de contaminants et augmentation de leur (bio)disponibilité). Ceci est notamment possible via des expérimentations au champ de longue durée conduites suivant des pratiques agricoles approchant les pratiques réelles et permettant le suivi d’agrosystèmes soumis à épandages répétés de PRO.

Epandages_Rennes

Figure : Epandage de fumier de bovins sur le site EFELE (Morvan et al.)

Contexte de la demande de l'Esco MAFOR rendu en 2014, Extrait Esco MAFOR

"Si le retour au sol des déjections animales est une pratique agricole multiséculaire, ce mode de fertilisation organique a évolué à mesure des évolutions des systèmes et des conduites  d’élevage. Au cours du 20e siècle, il a surtout été complété, voire supplanté selon les systèmes de production et les régions, par le recours aux engrais minéraux en vue d’un apport maîtrisé des trois éléments fertilisants de base que sont l’azote (N), le phosphore (P) et le potassium (K). Plus récemment, s’y sont ajoutées des matières fertilisantes d’origine résiduaire, provenant de diverses autres filières de traitement des effluents et déchets (eaux usées urbaines, ordures ménagères, effluents industriels…). Dans un contexte où se combinent volontés de réduction des volumes de déchets générés et de recyclage de ceux-ci, le renchérissement des coûts de l’énergie nécessaire à la fabrication des engrais azotés de synthèse, la raréfaction des ressources minières notamment de phosphore et la dégradation des taux de matière organique des sols renforcent l’intérêt du réemploi en agriculture de la partie organique de nos déchets.

L’Ademe a estimé ainsi à 355 millions de tonnes la quantité de déchets générés par les activités humaines (domestiques et industrielles) en France en 2009. L’agriculture et la sylviculture sont, de leur côté, responsables de la production de 374 millions de tonnes d’effluents d’élevage (fumiers, lisiers) et de résidus de culture, le plus souvent valorisés sur site. Ces quantités, stables depuis la dernière décennie, situent la France dans la moyenne des pays européens en termes de quantité de déchets générés par personne et par an. Le "gisement" de matières fertilisantes d’origine résiduaire, que nous appellerons ici "Mafor", apparaît donc conséquent et en mesure de se substituer au moins en partie aux engrais minéraux.

Le recours à ces matières d’origines, et donc de natures, très diverses ne va cependant pas sans poser question. Tout d’abord, associant diversement les trois éléments de base N, P et K, elles sont moins souples d’utilisation que les engrais minéraux dont l’agriculteur connait a priori la composition précise en éléments fertilisants. L’épandage de telles matières peut en outre faire l’objet de réticence, voire de rejet, de la part de leurs utilisateurs potentiels, notamment quand ceux-ci n’en sont pas directement producteurs, et/ou de la part des populations vivant à proximité. Plus préoccupants sont les impacts environnementaux que l’usage de ces Mafor peut engendrer. Ceux-ci sont de plusieurs types. L’épandage de Mafor peut se traduire par des fuites d’azote dans l’environnement constituant une source de pollution, phénomène en partie étudié dans le cadre de l’ESCo "Elevage et azote" pour ce qui concerne les effluents d’élevage des régions à forte concentration de productions animales (INRA, 2012). Compte tenu de la nature résiduaire des Mafor, elles sont également susceptibles d’apporter aux sols un ensemble de contaminants (pathogènes, organiques et minéraux) qui peuvent s’y accumuler et être transférés aux plantes qui s’y développent et aux animaux qui les ingèrent. La plupart de ces contaminants pouvant présenter un danger pour la santé humaine, les autorités publiques se doivent de rester vigilantes sur les risques de leur transfert à l’homme via les usages, agricoles ou forestiers, des Mafor. De ce point de vue, trois grandes filières aux enjeux différents peuvent être distinguées. Si toutes les Mafor sont susceptibles d’apporter au sol des contaminants chimiques, les matières issues des exploitations agricoles, principalement constituées d’effluents d’élevage, et les matières issues du traitement des eaux usées urbaines contiennent de la matière fécale. Elles sont donc susceptibles d’apporter au sol des microorganismes pathogènes. Ce type d’apports ne concerne pas les déchets d’origine industrielle ou ménagère."

EscoMafor_Couverture_2014

Figure : ESCO MAFOR 2014